artiste : Guillaume GAMACHE, le 12 décembre 2019
Discours de Claude Normand
Merci à tous le exilés, à tous les bénévoles de nos associations d’être là, d’avoir préparé cette manifestation, merci à ceux qui aident au quotidien, merci à l’Utopic de recevoir cette exposition, merci aux élus de témoigner par leur présence de l’intérêt qu’ils portent à nos actions.
Le poète pose la question :
Est-ce que les gens naissent égaux en droit à l’endroit où ils naissent ? Maxime Leforestier.
La réponse nous l’avons, on sait bien que c’est non mais notre peuple a apporté une réponse à cette injustice, la Révolution française a établi le droit d’asile. L’historien Gérard Noiriel, qu’on a eu l’honneur de recevoir il y a un an rappelle qu’ « en 1793, la France a été le premier pays à intégrer ce principe dans sa Constitution. Être accueilli quand on est persécuté devient un droit de l’homme. Le national se confond alors à l’universel. »
Cette tradition d’asile et de protection des droits et des libertés de la personne prend une nouvelle dimension avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 dont l’article 14 stipule que « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays » et la Convention de Genève de 1951 a reconnu le droit d’asile.
Quels que soient les aléas politiques, nous les associatifs qui sommes ici réaffirmons par notre action ce principe intangible de l’hospitalité. Cette hospitalité qu’on appellera aussi fraternité et qui est fille de la Révolution.
Mais qu’on est loin de cette obligation morale historique !!!
Raser les murs, courber l’échine, ne pas croiser le regard de l’autre, vivre à quatre familles dans le même appartement, attendre dans la queue à la préfecture pendant 3 heures avec un nouveau-né dans les bras dans la fournaise de l’été ou dans la froidure de l’hiver pour s’entendre dire « vous reviendrez la semaine prochaine », être interdit d’argent liquide, aller pointer tous les matins à la gendarmerie, survivre avec ses deux enfants dans une chambre d’hôtel, vivre la peur au ventre, dans la crainte d’avoir à vivre ce qu’ont vécu nos amis Horanlli ou Bulgareci, peur de l’expulsion, mais ne pas le laisser paraître, se taire et endurer.
Et pour ceux , ou je devrais dire pour celles qui ont obtenu le droit d’être là, se faire fusiller du regard dans la salle d’attente du médecin ou insulter dans la rue. Se taire et endurer.
Voilà l’hospitalité à la française que vivent nombre de personnes ici à Mirecourt.
Voilà les conditions indignes dans lesquelles sont reçues ces personnes, dans lesquelles vous êtes reçus chers amis.
Et Guillaume avec la pointe de son crayon les sort, vous sort de l’anonymat, vous donne un visage, une identité dans l’espace public. Qu’il en soit remercié.
Guillaume a fait de jolis portraits mais ce ne sont pas que de jolis portraits, observez-les et vous allez lire dans ces regards la gravité et la détermination, la souffrance et l’espoir. Ils nous interpellent.
Guillaume a regardé ses modèles avec une telle empathie qu’il a recueilli aussi leurs mots, leur histoire et il a consigné ces récits dans des petits livrets qui accompagnent les portraits, nous vous invitons à entrer en dialogue avec ces regards, dialogue que soutiendra la lecture du petit livret.
Et vous verrez les qualités humaines extraordinaires de ces gens, leur désir de faire société avec nous. Et après la lecture de ces livrets on a envie de leur dire : merci d’être venus jusqu’ici, merci de nous apporter votre rage de vivre, on ne sera pas de trop pour relever les défis sociétaux et environnementaux qui se présentent.
Et vous avez vu qu’il y a ici dans ce petit bout de France, comme partout ailleurs, des gens qui accueillent, des gens qui donnent, des gens qui accompagnent, des services sociaux locaux qui interviennent avec les moyens du bord, des élus qui intercèdent : nous sommes nombreux à jouer la carte de l’hospitalité, de l’intégration pour ceux qui ont décidé de venir dans notre pays. Et nous sommes sûrs que si beaucoup de nos concitoyens sont encore opposés à l’accueil des étrangers ils changeraient de point de vue s’ils connaissaient des gens comme vous. C’est le pari de Guillaume.