Témoignages

Je m'appelle B. Je viens de Corça, en Albanie. Cette ville est surnommée «le Petit Paris». Pendant la grande guerre, la ville était sous administration française. De cette époque, on a notamment gardé un lycée francophone (mais aujourd'hui on n'y parle davantage anglais ! ). C'est une ville entourée de chaînes de montagnes. J'aime ces paysages, et, contrairement à beaucoup de personnes de mon âge, j'adore vivre en montagne.

En Albanie, la situation politique est difficile. Le gouvernement est corrompu et la démocratie est toute relative. Les gens qui sont actuellement au gouvernement sont les mêmes qui étaient présents pendant la dictature. Alors, pour s'en sortir, il faut payer. Tout le temps et pour n'importe quoi. La vie est difficile là-bas, les gens sont tristes. Et, le plus dur, c'est qu'on a l'impression qu'on ne peut rien y faire.

J'ai 33 ans et, en Albanie, j'étais menuisier. J'ai fabriqué des portes, des fenêtres, des cuisines. À un moment j'ai aussi travaillé dans un orphelinat (les enfants m'appréciaient particulièrement parce que je leur donnais du chocolat ! ). J'ai rencontré ma petite amie xxx il y a un peu plus d'un an. On habitait la même ville. Le problème c'est qu'elle est musulmane et moi catholique. Cela nous a créé des ennuis dans le village et avec nos familles. Ils n’acceptaient pas notre histoire d'amour. On a subi des violences à cause de ça… Quand j'y repense j'en ai encore des frissons. Je ne dormais plus.

Alors nous avons décidé de partir. J'ai vendu ma voiture et on a acheté des billets d'avion pour la France. Nous sommes arrivés à Épinal, où il y a une petite communauté albanaise, puis ici à Mirecourt, Il y a 2 mois.

Pour moi, c'est important d'essayer de vivre dans l'instant et de ne pas trop penser au passé. D'ailleurs, c'est pour ça que je n'aime pas les photos. Je possède très peu d'images de moi. C'est pareil pour le futur : je ne veux pas faire de grands rêves. J'espère juste, un jour, avoir une maison où vivre avec mon amie. Je veux pouvoir dormir sereinement. Et puis j'aimerais pouvoir vivre de mes mains. C'est difficile pour moi d'aller au secours populaire ou au resto du cœur. Être dépendant des autres, ça touche à ma fierté. Pouvoir vivre de son travail, c'est important.

Nos dossiers sont actuellement en cours du traitement par l'OFPRA(1). Prochainement, nous saurons si nous pouvons rester en France.


Je suis M., la petite amie de B. Je ne parle pas encore très bien français ni anglais. Quand nous étions en Albanie j'étudiais les sciences sociales. Nous avons dû partir à cause des problèmes avec nos familles. Pour le moment, je suis encore un peu angoissée d'être en France. C'est beaucoup de nouveautés. Il faut tout réapprendre. C'est difficile. Je participe au cours de français de «la Vie Ensemble» et, à présent, je sais prononcer correctement le mot "huit" !

(1) Office français de protection des réfugiés et apatrides.