Témoignages

Je m'appelle G. ,  j'ai 21 ans.  Je suis parti il y a près d'un an et demi d'Afghanistan où j'habitais N.,  une province à l'est du pays, non loin de Kaboul.  Je travaillais dans un magasin.  Je jouais aussi beaucoup au cricket.  J'avais un très bon niveau.

Les matchs se déroulaient dans le grand stade de notre province. J'ai un frère et deux sœurs. La plus grande est mariée et la seconde à 17 ans. Elle vit encore avec ma mère. Mon frère, H. m'a suivi lors de mon voyage. Nous sommes partis à cause de la guerre. Les talibans et daesh commettent des exactions dans tout le pays. Les talibans m'ont plusieurs fois empêché d'aller à l'école. Les policiers nous aident mais à chaque fois qu'ils s'en allaient, les talibans revenaient. Ce sont des personnes méchantes. Par exemple, ils vous prennent votre téléphone, regardent ce qu'il y a à l'intérieur et, s'ils trouvent de la musique, ils le cassent. Il vous frappent aussi alors que vous n'avez rien fait. La vie est dangereuse là-bas. Lorsque le soleil se couche, nous ne pouvons plus sortir de chez nous. J'ai plusieurs copains qui se sont engagés dans la police et qui sont morts à cause de la guerre. Alors on est nombreux à vouloir quitter le pays.

Mon trajet jusqu'en France a duré environ 4 mois. Il m'aura coûté 7000 € . C'est beaucoup d'argent mais il faut payer les passeurs pour qu'ils vous aident. Pour trouver de l'argent j'ai dû vendre les terres qui m'appartenaient. C'était ce qui me permettait de manger là-bas. j'y cultivais du maïs, des tomates, des salades, et du blé aussi.

Mon frère et moi sommes partis en direction du Pakistan à bord d'une camionnette, puis nous avons rejoint l'Iran à pied. Nous avons marché 28 heures d'affilée. Ensuite nous avons rejoint la Turquie en voiture et à pied. Traverser l'Iran m'aura pris 34 jours. On dormait dans des parcs et quelquefois chez des personnes qui nous accueillaient. Une fois en Turquie, nous avons rejoint la Grèce, principalement à pied. Nous sommes passés par Athènes puis par Patras.

Ici, nous avons tenté de monter à bord d'un camion qui embarquait sur un bateau en direction de l'Italie. Je me suis caché au-dessus de l'essieu arrière, allongé sur une planche de bois d'environ 40 cm de large.  Je m'accrochais comme je pouvais. J'ai eu très peur. Mon frère, lui, s'est réfugié sur le toit. Lors du passage de la douane les policiers ont fouillé le camion à 4 reprises. Le chien est passé juste à côté de moi mais ils ne m'ont pas trouvé. Par contre ils ont réussi à trouver mon frère. Ils l'ont arrêté… On a été séparés à partir de ce moment-là.

Le bateau a accosté en Italie. Il y a eu un deuxième contrôle du camion et, une nouvelle fois, ils ne m'ont pas trouvé. J'ai eu beaucoup de chance. Alors le camion s'est mis à rouler pendant 3 heures. J'étais effrayé. À un moment, le chauffeur s'est arrêté à un hôtel pour manger. J'en ai profité pour me sauver. Je ne sentais plus mon pied droit : il ne voulait plus fonctionner à force d'être resté coincé sous ce camion. Mais c'est revenu peu à peu. Alors, j'ai cherché la gare la plus proche. Je voulais trouver un train.

À ce moment je ne mangeais pas beaucoup. Heureusement, il y avait beaucoup d'arbres fruitiers en Italie. Je me nourrissais aussi de ce que les gens acceptaient de me donner.  Je suis arrivé à Rome,  j'y suis resté 13 jours. J'étais très sale avec ce trajet sous le camion. Heureusement, j'ai croisé une personne gentille qui m'a donné des vêtements propres et m'a offert à manger. J'ai essayé de me laver mais puisque je n'avais pas de savon le résultat n'était pas terrible.

Après Rome, j'ai rejoint la frontière au niveau de Vintimille. J'ai réussi à passer en France en courant à travers un tunnel réservé au train. Je suis arrivé à Nice où j'ai pris différents trains pour aller jusqu'à Paris. Quand je me faisais contrôler, l'agent me demandait de descendre parce que je n'avais pas d'argent. Je remontais aussitôt dans un autre wagon. Je suis arrivé comme ça jusqu'à la capitale, mais là-bas, il n'y avait pas d'issue. Alors j'ai demandé à un Afghan que j'ai croisé s'il connaissait une belle ville en France. Il m'a parlé de Metz et c'est à ce moment que j'ai décidé de prendre un train pour l'Est. C'est vrai que Metz est une ville superbe. Là-bas j'ai fait une demande d'asile. Ils m'ont logé à Mirecourt. Je vis ici depuis maintenant un an.  J'habite dans un logement avec 5 autres personnes, mais ça se passe bien. Les gens ici sont très gentils et c'est pour ça que je reste.  Je suis content d'être arrivé jusqu'en France. Je travaille beaucoup pour apprendre la langue. J'ai plein d'applications sur mon téléphone. Je travaille tous les jours et je viens deux fois par semaine au cours de français de «La Vie Ensemble».  Je profite également de cours particulier avec Dominique, un bénévole. Il est très gentil et m'aide beaucoup.  J'ai beaucoup progressé en quelques mois.

J'ai aussi retrouvé mon frère qui est arrivé il y a un peu plus d'un mois à Metz. Il va bien. Il est resté enfermé deux mois en prison en Grèce. Au bout de quelques mois il est parti. Il est passé par la Macédoine, la Serbie, l'Albanie, puis l'Italie et la France.

Pour moi mon prochain rendez-vous avec l'OFPRA(1) aura lieu en novembre. J'espère qu'il me donneront des papiers. Pour le futur ? Je ne rentrerai pas en Afghanistan tant que la guerre ne sera pas terminée. J'aimerais aller à l'école en France.  Je voudrais étudier pendant deux ou trois ans afin de maîtriser le français et apprendre un métier. Je me vois très bien devenir électricien.

(1) : Office français de protection des réfugiés et apatrides.