Je m'appelle M... Je viens de T. en Albanie où j'étais couturière. Je suis partie il y a un peu plus d'un an, après que mon père se soit fait tuer par la mafia locale. Moi et le reste de ma famille sommes actuellement poursuivis. Face à cela, j'ai décidé de fuir avec mon fils R., alors que j'étais enceinte de mon deuxième enfant.
Je suis arrivée seule à Paris. On m'a conseillé de faire le 115 mais il n'y avait pas de place d'hébergement d'urgence là-bas. Pendant 3 semaines, j'ai voyagé entre différentes villes : Paris, Metz et puis Épinal où les gendarmes m'ont trouvé une solution d'hébergement d'urgence à Neufchâteau. Malheureusement, c'était un logement pour les sans domicile fixe. Il y avait beaucoup de personnes avec des problèmes de drogue et d'alcoolisme. Je ne me sentais pas en sécurité mais j'avais au moins une chambre avec des toilettes. Par contre, la cuisine et le salon étaient collectifs. Être seule avec un enfant a pu créer quelques tensions. Par exemple, cela dérangeait des personnes quand mon fils regardait trop longtemps des programmes pour enfants sur la seule télé de la maison. C'est pourquoi, la plupart du temps, nous restions seuls dans la chambre ; je n'osais pas sortir. Lorsque j'ai accouché de mon deuxième enfant, j'habitais encore ce logement. L'ambulance m'a amenée à Nancy où je suis restée à la maternité pendant 4 jours. J'ai dû laisser mon fils seul auprès de personnes albanaise à Neufchâteau. Je n'avais pas d'autre choix. J'étais si inquiète ! Il a été très courageux.
Au bout de 6 mois l'assistance sociale m'a trouvé un logement à Mirecourt. C'était un appartement que nous partagions avec deux autres familles. Nous étions donc neuf. J'y suis restée pendant trois mois. Pendant ce temps, tous les dépôts de dossier que je faisais à la préfecture étaient refusés. Ils m'ont alors demandé de retourner à Neufchâteau. Je me sentais vraiment en insécurité là-bas. Heureusement, la «Vie Ensemble» et notamment Claude, se sont mobilisés. Ils ont mis un statut Facebook racontant mon histoire, et, par chance, C..., une habitante de Mirecourt, a proposé de nous héberger, les enfants et moi, dans un appartement qu'elle possédait. Depuis, nous vivons dans cet appartement. Mon fils a repris l'école à Mirecourt. Au cours de l'année, il aura changé de classe quatre fois. C'est un petit garçon formidable. Il a une grande facilité pour s'adapter et se faire de nouveaux amis.
Aujourd'hui, j'ai épuisé tous les recours pour rester en France. Dernièrement, j'ai déposé un dossier pour enfant malade. R. a eu une infection dentaire il y a quelques mois. Il a été très bien pris en charge à Nancy mais ils ont dû lui arracher toutes ses dents de lait. Elles vont repousser rapidement (il a 6 ans), mais le médecin veut continuer à le suivre. C'est pareil pour mon bébé. Il avait un strabisme à la naissance qui s'est ensuite résorbé. Cependant, l'ophtalmologiste veut continuer à le surveiller. Ils m'ont donné des rendez-vous pour les prochains mois, mais je ne sais pas si je vais pouvoir rester ici.
Pourtant, depuis que je suis à Mirecourt, dans ce grand appartement, je suis tranquille. Je peux me reposer et j'ai pu me faire de nouveaux amis. Je suis entourée de personnes très gentilles qui m'aident au quotidien. Avant, je croyais que ça n'existait pas, les personnes gentilles !
J'ai peur de devoir retourner en Albanie. Là-bas il n'y a pas de protection pour les femmes seules.